On parie?
Je suis seule à la maison. J'ai nettoyé, rangé, frotté, téléphoné, fraisé (il y a beaucoup de neige et il fait froid) et en rentrant, au chaud sous la couette, j'ai le coeur qui pleure. Je me sens triste. Dans les maisons, les gens se réjouissent de Noël, font des projets, stressent parfois un peu de revoir la tante Germaine qui rouspète toujours un peu aux fêtes de famille, et moi je me rends compte que je n'ai jamais eu de vraie quiétude de famille.
Enfant, les fêtes étaient synonyme de cris, d'engueulades et la seule soirée que nous passions avait toujours un goût amer. Il ne fallait rien dire, taire sa voix d'enfant, bien se tenir, ne pas jouer avec les autres, ne rien raconter, écouter sans sourciller tonton Gustave m'expliquer l'utilisation du "plus" et du "moins" de la machine à calculer de 1912 qu'il m'offrait alors que j'utilisais depuis deux ans la fonction "racine carrée" sur celle dernier modèle de l'école. Et puis les cris. Ceux de mon père, ceux de mon oncle, puis les deux mélangés. Ma mère qui pleurait et ma grand mère qui se fâchait, promettant vainement que l'an prochain on irait fêter Noël à la Grande Salle.
Puis épouse, il m'a fallu encore me taire, sous le joug de belle-maman, s'extasiant devant le plat de charcuterie dressé par son fils chéri, alors qu'elle avalait sans sourciller le plat que j'avais mis deux jours à préparer. Puis les remarques acerbes, les méchancetés, les sourires ironiques.
Epouse, je n'ai jamais eu la sérénité d'une vie de paix. A chaque problème le papa de mes enfants réagissait en voulant "porter plainte". Je craignais chaque conflit, même le moindre. Une remarque de l'enseignante de mon fils? C'est une conne! Un souci avec un voisin! Je vais lui casser la gueule! La peur, toujours, que les choses se règlent dans la violence. Puis aucune confiance dans la parole donnée. Je te promets, dit-il. Mais je ne vois jamais rien venir. "Je te promets" disait-il je n'ai jamais rien vu venir.... j'attends toujours.
Je lui ai reproché de me faire passer après les enfants, de ne jamais m'accorder d'importance. Hier, il me l'a retourné. C'est moi qui fait passer les enfants avant lui. Aujo urd'hui c'est vrai. Il n'a plus d'importance à mes yeux. Il m'a trahie trop souvent. Il m'a tellement menti. Dieu qu'il m'a menti..... Tellement.
Cet homme a le don réel de retourner les situations à son avantage et de faire feu de tout bois. Je vais tout perdre. Je vais TOUT perdre. Mais j'ai fait mon choix en toute conscience. Si par bonheur, l'avocate qui me soutient réussit à sauver quelque chose, ce sera déjà ça. Mais je m'attends à recommencer de zéro. Au moins la chute sera moins rude.
J'ai dit que j'avais fait mon deuil du mariage. C'est vrai. Mais je n'ai pas fait celui de la relation. J'attendais un partage, une confiance, de l'amour. Je n'ai rien eu de tout cela. A 40 ans, je ne l'aurai plus. Si ma vie amoureuse n'est pas forcément terminée (encore faut-il qu'un gars veuille bien d'une fille comme moi....) celle d'une vie commune à deux l'est bel et bien. Je ne recommencerai pas. J'aurai bien trop peur que ça s'arrête encore une fois.
En attendant, je suis triste. Mon fils est triste, ma fille est agressive et me dit sans arrêt que je suis méchante. Leur papa aussi. Qui suis-je vraiment? Je voudrais m'éteindre. TAC. Plus rien.
Il me joue l'étonné, celui qui ne sait pas. Il me fait peur. J'ai peur. Je suis en plus certaine qu'il va aller jusqu'à me faire le coup du faux suicide. On parie?