Cher Papa, chère Maman

24 décembre 2010

Voici arrivé Noël et plus rien n'est pareil depuis que vous êtes partis. Dieu qu'il est difficile d'être la grande! Et combien je comprends ce que furent vos noëls à vous quand nous étions enfants! Le regard que l'on porte sur son passé change, quand à son tour, il nous faut être la locomotive. Le goût des choses s'est péjoré, et je crains que d'autres soient contaminés.

Juste par votre présence, vous fédériez la famille; vous n'êtes plus là et chacun vaque sans lendemain, sans coeur et sans penser à l'Autre, là-bas. Je sens la révolte au fond de moi. Maman, ce n'est pas ce que tu m'as appris. Et si je me refuse à jouer la "bonne petite fille modèle", (que je ne suis pas de toute façon, nous le savons bien toutes les deux), je sais que ce n'est pas bien. Mais cette lutte qu'ils abandonnent m'insuffle à moi l'envie que ça ne se passe pas comme ça. Et ma lutte à moi est quotidienne, pas juste à Noël.

Maman, j'aimais tant tes yeux brillants de petite fille, quand je t'offrais ton cadeau, et que tu ne savais pas ce que c'était. Même à plus de soixante ans, tu avais encore cette joie enfantine qui me faisait avancer l'heure de la distribution. Juste pour tes yeux. J'aimais ensuite ton merci, vrai et plein d'amour, sincère et encore rempli d'étonnement. Toute l'année j'y pensais à ce cadeau. A l'affût de tes demandes, de tes remarques, dans nos ballades ou dans nos délires. Et je m'amusais, quand je l'avais trouvé, à te mettre sur la piste puis à te perdre. Juste pour tes yeux.

Cette année, on ne se fait pas de cadeau. On ne fait pas de Noël. J'habite un endroit où il y a de la neige. Ben oui, tiens, de la neige au moins de décembre, moment de l'année, je vous le rappelle, où il y peu de chance qu'il fasse 40 degrés à l'ombre et qu'on n'en trouve pas partout..... Et puis, c'est vrai il faut manger. Que dis-je:"MANGER!" On ne peut pas se contenter d'un repas convivial où l'on se retrouve tous ensemble dans la joie. Non. IL FAUT SE TAPER LA CLOCHE, se gaver jusqu'à s'en péter la panse. Alors, chez moi, à la montagne, autour d'une charbonnade ou d'une fondue.... ben non. Je l'aurais organisé leur Noël. J'aurais volontiers endossé ce rôle. Ils ont décidé d'aller au resto. On est le 24 à 9 heures du matin et je n'ai aucune nouvelle. Ni du resto, ni du moment. Je n'irai pas. De toute façon. Parce que j'y amènerai tant de chagrin et de rancoeur et que cela n'en vaut pas la peine.

Il me reste le Noël de Zelle. Ma douce Zelle. Son seul Noël à elle aussi. Il faut qu'il soit réussi. Et il y aura le père de mes enfants. Alors je mets au 104 ème plan et je fermerai ma gueule. Je vous laisse imaginer.

Ce soir j'irai (ou pas) ailleurs. Nous verrons.

Allez, cette année c'est loupé. L'an prochain sera différent. C'est comme un rendez-vous chez le dentiste. On est content quand c'est fait. N'empêche, Maman, l'éclat de tes yeux me manque terriblement..... et pas qu'à Noël.

Je vous embrasse. Reposez-vous. Au fait, si vous croisez le Père Noël, parlez-lui donc un peu de ma commande. J'ai l'impression qu'il va y avoir des retards de livraison.....

Posté par Anne Clostelli à 09:23 - Commentaires […] - Permalien [#]