Les facteurs de Sainte Clotilde
Je n'ai pas la réputation d'être une ingrate.... En général, je remercie et je sais reconnaître ceux qui sont restés sur ma route, mettant à disposition leur main à la mienne.
Ce soir, je voudrais juste faire une minute de silence, car il me reste au fond du coeur une ingratitude que je ne m'explique qu'à moitié. Je n'efface pas de ma mémoire toutes ces heures partagées, ces rires et ces moments forts, cette amitié indéfectible qui a uni nos années adolescentes. Je n'efface pas nos enfants qui ont bu les tasses de la même piscine, je n'efface pas les mêmes noëls, les clés sous le paillasson, les copains qui ont plu ou tellement déplu et passé ou trépassé l'examen de la meilleure copine. Je n'efface pas la main posée sur le drap blanc qui arrangeait de temps en temps l'embroglio des tubes qui couraient le long de mon bras. Je n'efface rien. Juste, je ne comprends plus rien. Ni les comparaisons incomparables, ni mes réflexions essentielles à mes yeux qui heurtent le raisonnable, qui blessent le rationnel, ni l'essentiel qui ne l'est plus pour moi.
Et puis je suis devenue si sauvage. Pour tous. Je dépense tellement d'énergie à me battre contre Waterloo que je quitte la vie parfois. Je crois que je ne devrais pas vouloir autant que la terre entière sache qui est le pervers qui, de par ses exactions me fait grandir si fort. Mais je ne peux pas m'en empêcher. Comme si ma vie en dépendait. Et je crois que ma vie en dépend réellement.
Alors, l'énergie qui me reste, je la mets dans mon boulot. Pour les sous, bien sûr, mais parce que, quoi qu'on en dise, je fais un job de dingue. Je défie quiconque de bosser avec ces mômes plus de deux jours sans y laisser des plumes. Mais moi, j'essaie d'y aller la joie au coeur. Parce que si un seul de ces gamins, pouvait avoir un souvenir chouette ne serait-ce que d'une heure, j'aurais gagné.
Enfin, il me faut lutter pour mes enfants. Qui ne peuvent pas pousser sans que je les arrose un tout petit peu. Ils ne peuvent compter que sur moi. Sur mon énergie, ma vie, mon essence et surtout, surtout sur cet amour infini qui brûle en moi et qu'on tente de m'arracher. Alors oui, je suis devenue sauvage. Mais au fond, je n'ai pas tant changé que cela. Enfin, je ne crois pas. J'espère m'être bonifiée.... Je sortirai meilleure de tout cela, je n'en doute pas.
En attendant, restent des souffrances qui accompagnent ma route au quotidien. Car oui, je pense à toi tous les jours, je te le jure.... Mais tu n'aimes pas les mails, écrire me gave et les sms sont si résumés.... Liras-tu ces mots? Comprendras-tu? Vraiment et tout?
Je t'embrasse. Avec toute la force et la sincérité de notre adolescence quand nous mâtions les facteurs, à la récré, sur le banc du petit parc.... Bisous....